La reproduction chez les loups est soigneusement régulée au sein de la meute. Le couple dominant est généralement le seul à se reproduire. La saison de reproduction se produit généralement entre février/mars (accouplement) et début mai pour la mise-bas, la gestation durant environ 63 jours. Les femelles donnent naissance à une portée de 3 à 6 louveteaux en moyenne, nombre qui varie en fonction des ressources disponibles, qui naissent aveugles et sourds et sont totalement dépendants de leurs mères et de la meute pour la nourriture et la protection. Le mâle reproducteur a la charge, durant les 2-3 premières semaines suivant la naissance, de nourrir la femelle, qui ne sort de la tanière que pour se désaltérer. Les soins parentaux chez les loups sont collectifs, avec tous les membres de la meute partageant la responsabilité d'élever et de protéger les louveteaux. Ce comportement instinctif favorise la survie des jeunes en leur assurant une alimentation adéquate, une éducation aux techniques de chasse et une socialisation au sein de la meute, préparant ainsi la prochaine génération de prédateurs efficaces.
Dès l'arrivée de l'automne, entre fin septembre et début octobre, les louveteaux commencent à accompagner la meute lors des chasses, observant et apprenant des techniques de chasse plus expérimentées, au travers de l'imitation. Entre l'âge de 1 et 3 ans, en moyenne entre 9 et 24 mois, les jeunes loups, appelés "yearlings" la première année puis subadultes, quittent leur meute d'origine pour trouver un nouveau territoire et partenaire, afin de fonder une meute. Ils peuvent également en rejoindre une autre, prendre la place d'un reproducteur déchu ou disparu. Dans certains cas, faisant souvent suite à une régulation trop importante des effectifs (tir légaux, chasse) au niveau régional, une subadulte peut même s'éloigner, s'accoupler et revenir dans sa meute d'origine pour ainsi permettre à la meute d'avoir deux reproductions annuelles et tenter de combler les pertes subies. Ces comportements de dispersion sont aussi essentiels pour assurer la diversité génétique, en permettant la reproduction entre individus non apparentés provenant de différentes régions. Cela renforce la résilience génétique et l'adaptabilité aux changements environnementaux.
Ce phénomène de dispersion est, selon les spécialistes, dicté, en outre, par la maturité sexuelle, la personnalité de chaque loup et le réservoir de proies disponibles, ce sont des facteurs déterminants. Les individus ayant un fort caractère, cherchant à prendre le dessus sur le couple reproducteur choisiront soit de partir de leur propre chef au moment de la reproduction (où le mâle et la femelle reproductrice sont plus intolérants avec les subadultes, les conflits étant alors plus fréquents) ou d'être chassés parce qu'ils perturbent l'équilibre de la meute.
Nous tenons à préciser également que si des loups solitaires sont aperçus à certaines périodes de l'année, souvent pas plus d'une ou deux fois, près de villages ou de mayens, ceci est facilement explicable. La première raison est simple : ce loup est un disperseur, probablement jeune, inexpérimenté, ne connaissant pas le territoire sur lequel il se trouve. Il cherche alors, tout simplement, à le traverser (vallées, rives de fleuves, plaines, etc.). Il se confronte donc à la civilisation humaine bien malgré lui, ayant même été, parfois, dérangé par des randonneurs ou personnes pratiquant leurs loisirs en amont. Mais il y a également une explication très claire du pourquoi ces rencontres ont lieu en journée, outre le fait que nous dormions la nuit : tout disperseur le sait, ses jours peuvent être comptés s'il traverse le territoire d'une meute et se retrouve face à elle. Comme les loups chassent et se déplacent majoritairement la nuit, le disperseur choisit donc de le traverser en journée, en évitant ainsi de croiser le couple ou la meute en place sur le territoire ! Il minimise ainsi les risques de conflits, pouvant lui être fatals. Ce comportement n'a donc strictement rien à voir avec une quelconque "perte de la crainte de l'homme" dans ces circonstances. Il est nécessaire de baser nos évaluations non sur des impressions & opinions personnelles, anthropomorphiques de surcroît, mais bien sur l'éthologie ! Cette branche scientifique, étudiant les comportements des êtres vivants, permet de mieux comprendre pourquoi un animal applique tel ou tel comportement, en fonction de son environnement, des situations, etc. Elle donne un meilleur accès à la connaissance des espèces vivantes.
En ce qui concerne le record de dispersion, il est détenu par un loup parti des Carpates et qui s'est établit en Espagne, prénommé "Slava". Le second loup ayant effectué une dispersion assez impressionnante se nomme M237 : jeune mâle, né dans la meute de Stagias (Grisons), il a atteint la frontière de la Slovaquie avant d'être, malheureusement, tué par un tir de braconnage, effectué par un enfant de 9 ans qui accompagnait son père ! Il était équipé d'un radio collar (collier GPS) qui a donc enregistré son incroyable épopée, qui s'est étendue sur 1927 kilomètres (au sol). Selon les études et observations, les femelles dispersent moins loin et s'établissent souvent proches de leur meute de naissance. Nous avons ce cas en Valais et dans le Jura Vaudois. Le monde du loup est très complexe et nous le disons clairement : celui qui pense que nous pourrons tout savoir ou croit qu'il maîtrise totalement son sujet, est très naïf ou vantard car cela ne sera, très certainement, jamais possible avec tout ce qui touche au vivant.
Mais avant de s'établir dans un nouveau territoire, les jeunes loups peuvent entreprendre ce que nous appelons des "excursions" exploratoires sur de courtes distances. Ces excursions leur permettent d'évaluer les ressources alimentaires disponibles, la présence d'autres meutes concurrentes et la qualité générale de l'habitat. Elles ont aussi pour but de leur apprendre à chasser et vivre seul, ce qui va leur permettre de développer une expérience, fort utile pour leur prochain départ en dispersion. Pendant cette phase, les jeunes loups explorent le territoire de leur meute ou les abords, en solitaire. Ils peuvent partir quelques heures, jours voire semaines et parcourir des distances considérables. Que ce soit lors de phases d'excursion ou lors de la dispersion, les jeunes loups peuvent avec des interactions amicales mais aussi agonistiques avec d'autres loups/meutes, notamment lorsqu'ils traversent leurs territoires. Dans de rares cas, cela peut même entraîner la mort. Depuis 1998, seule une louve, la femelle reproductrice de la meute du Ringelspitz (GR), aurait subi la loi de ses congénères, retrouvée en janvier 2021 près de Pigniu. Mais d'autres cas similaires pourraient exister, sans que les corps aient été retrouvés.
Il est nécessaire de savoir que la mortalité, chez le loup, est très élevée : elle se monte à 40 à 50% la première année de vie (faiblesse génétique, malformation, accidents, autres prédateurs éventuels) et grimpe jusqu'à 60-80% les deux suivantes (accidents de la circulation ou naturels, braconnage, tirs légaux ou conflits intraspécifiques). Au final, le loup n'a qu'une espérance de vie de 5 à 7 ans dans la nature. Le record, sur le territoire helvétique, est actuellement détenu par F07, femelle fondatrice de la première meute suisse en 2012, dans le Calanda (Grisons). Elle a dû être abattue suite à une détérioration de son état de santé (tumeur aux poumons révélée après l'autopsie) à l'âge de 13-14 ans. Mais, vous le devinez, ce genre de cas est extrêmement rare, surtout aujourd'hui que la régulation préventive vient complètement brasser les cartes, en tirant des individus de manière arbitraire et sans prise en compte de leur âge ou de leur rôle dans la meute. L'espèce Canis lupus se régule donc déjà par elle-même, ne serait-ce que par la mortalité naturelle et humaine (sans les tirs) et l'absence éventuelle de reproduction lorsque les proies viennent à manquer ou que les territoires deviennent saturés. Malgré que beaucoup continuent de le croire et de le clamer, il est temps de mettre les choses au clair : il n'y a pas de croissance exponentielle infinie chez les prédateurs !
Photo : F. Bruggmann