Mission Loup

LES CANIDÉS EN SUISSE

Le canidé est un mammifère carnivore terrestre à molaires antérieures tranchantes et postérieures broyeuses, aux griffes émoussées, vivant en sociétés et qui regroupe le loup, le chien, le coyote, le chacal et les nombreuses espèces de renard. Il fait partie de la catégorie des prédateurs, soit des espèces tuant des proies pour se nourrir. Il est carnivore à tendance omnivore et charognard. Parmi tous les canidés, seul le loup est considéré comme un superprédateur (Apex Prédateur). En effet, il figure au sommet de la chaîne alimentaire, tout comme l’ours, l’orque ou encore le tigre, dans les environnements ou régions où ils résident. Ce sont des espèces "clé de voûte" dans l'écosystème, dont le rôle est de prédater, empêchant ainsi la prolifération d'espèces proies et les problèmes que leur présence, en sureffectifs, peuvent poser dans de nombreux domaines (déséquilibre). 


Canides famille

LE LOUP

Le plus médiatisé des canidés sauvages, c’est indéniablement le loup (Canis Lupus). Il pèse entre 30 et 45 kilos et mesure en moyenne de 105 à 160 cm de longueur et 66 à 85 cm de hauteur au garrot. Disparu de nos contrées en 1890, il a doucement recolonisé la Suisse dès 1995, tout d’abord au travers d’individus solitaires (majoritairement des mâles, seules six femelles ayant été identifiées jusqu’en 2010) puis, dès 2012, en fondant une meute. Aujourd’hui, notre pays compte environ trente-deux meutes et environ trois cents individus, ce qui représente la deuxième des trois phases connues dans le retour du loup (recolonisation, croissance rapide et stabilisation). La population installée en Suisse provient de la souche italienne (Canis Lupus Italicus) et est donc revenue, majoritairement, de l’Italie (Appenins, Nord) et de l’est de la France.

Le loup est un animal social, vivant en meute composée, principalement, du couple reproducteur, de jeunes de portées précédentes (de 1 à 3 ans) et des louveteaux de l’année. Son territoire, nommé « domaine vital », s’étend sur 100 à 250 km2, les meutes pouvant se chevaucher, se déplacer ou chasser sur une partie du territoire d’une autre. Entre l’âge de dix mois et trois ans, les jeunes loups font des excursions sur le territoire de leur meute ou partent en dispersion, en quête d’un territoire libre, d’un(e) partenaire afin de fonder une nouvelle meute et perpétuer l’espèce, c’est un cycle naturel.  Ils peuvent alors parcourir des distances impressionnantes, variant entre des centaines et des milliers de kilomètres. Le record absolu est détenu par un loup né dans les Carpates (Roumanie) et ayant établi sa meute en Espagne, ce qui représente un périple de près de 3000 km. Cette capacité à disperser fait que les tous les territoires actuellement exempts de loups, que ce soit à la suite de tirs régulatoires ou parce que le canidé n’y est pas encore parvenu, sont donc destinés à être recolonisés, de plus en plus rapidement.

Le menu du loup est composé, majoritairement, de cervidés/ongulés mais peut également inclure des lagomorphes, rongeurs, oiseaux, batraciens, reptiles et toute autre proie accessible. Il s’attaque également, comme nous le savons tous, aux animaux d’élevages, principalement les ovins/caprins et, pour moins de quatre-cinq meutes en Suisse, aux bovins.

La prédation sur des troupeaux est ce qu’il lui donne très mauvaise presse puisqu’il s’y intéresse d’un peu trop près et peut tuer en masse (tueries excédentaires) ou en détournant des moyens de protection (pas toujours existants ou mis en place de manière complète et adéquate) grâce à sa grande intelligence, son opportunisme et sa capacité d’adaptation. C’est un superprédateur donc il a toutes les caractéristiques lui permettant de prédater tout type de proies, du lièvre de cinq kilos au cerf de deux-cents kilos. En moyenne, il a besoin d’approximativement quatre à cinq kg de viande par jour mais il peut lui arriver de jeûner durant plusieurs jours, sans problème. Ou de commettre les fameuses tueries excédentaires, provenant de son instinct 

Toute personne ayant étudié le loup sait à quel point le sujet est terriblement vaste et complexe, touchant également plusieurs autres domaines. Nous comprenons, en approfondissant grandement la connaissance de ce prédateur, que rien, avec la nature et le vivant, n’est linéaire ; tout est et sera toujours en constante évolution. La connaissance sur le comportement et le fonctionnement des animaux, peu importe l'espèce, ne sera donc jamais entièrement maîtrisée, il est vital de le reconnaître et de l'intégrer.


Dictionnaire

Excursion                         Les jeunes loups (subadultes) sont autorisés, pendant quelques jours/semaines, à évoluer sur le territoire sans les
                                       parents ni la meute afin de s’entraîner à vivre seuls, à chasser. Ils peuvent rejoindre la meute à tout moment
                                       ou disperser définitivement.

Dispersion                        Action, pour un jeune loup (subadulte) de quitter définitivement leur meute, pouvant alors parcourir des centaines
                                       de kilomètres, traversant des frontières pour s’établir dans un nouveau territoire libre et y fonder leur meute.

Lagomorphe                     Mammifère herbivore tel que le lièvre et le lapin (ordre des Lagomorphes).
Comportement                 Ensemble des réactions observables chez un individu, des actes qu’il fait, placé dans son milieu de vie et
                                      dans des circonstances données.
 
 


Loup herens 2024

Photo : Mission Loup

LE CHIEN

Descendant du loup et domestiqué il y a plus de 30'000 ans selon les dernières études, le chien (Canis Lupus Familiaris) est notre meilleur ami, figurant au deuxième rang des animaux de compagnie préférés de l’homme, après le chat. Ses effectifs, en Suisse, se montent à 553'452 individus et 6 millions en France. Son apparence varie puisque selon la Fédération Cynologique Internationale (FCI), il existe, dans le monde, 356 races de chiens, le plus petit pesant 500g et le plus gros 90 kg. Son alimentation varie, aujourd’hui, entre les régimes proches du loup (RAW et BARF, composés de viande crue majoritairement) et les croquettes commerciales, qui composent la majorité des repas de nos canidés domestiques dans les foyers suisses. Il ne prédate donc plus pour se nourrir mais possède toujours, même si l’humain tend à l’oublier, un instinct de prédation, variant d’un individu à l’autre. Chaque année en Suisse, selon les statistiques officielles de la chasse, entre 500 et 700 animaux sauvages sont tués par des chiens. Ces incidents ont lieu lors de balades ou sont l’œuvre d’individus laissés libres et non surveillés. Il est recensé également quelques attaques sur des animaux d’élevage, morsures nécessitant des soins et conduisant à la mort dans certains cas (30-40 moutons tués annuellement).

L’amour que nous portons au chien est indiscutable mais il est également de mise de constater qu’au travers des décennies, l’humain a procédé à moultes manipulations et croisements génétiques sur le canidé domestique. Ces derniers visaient à obtenir des critères physiques variés (couleur/longueur du poil, différence de gabarits/taille, formes et positions des oreilles/queue etc.) mais aussi des accentuations ou diminutions de certains instincts, comportements ou traits de caractère. L’homme souhaite pouvoir choisir selon ses goûts, ses « besoins » en ce qui concerne les critères physiques. Et, au travers des modifications comportementales ou instinctives, la volonté de l’humain est de pouvoir ainsi travailler avec le canidé, de s’en servir dans différents domaines professionnels ou de loisir (chasse, protection/rassemblement des troupeaux, secours, aide aux personnes handicapées, recherches de différences substances etc.).

Mais la vérité est qu’aujourd’hui, le chien n’est plus que l’ombre du loup, pour nombre de races. Même si, génétiquement, l’ADN du loup est toujours présent chez notre compagnon, les instincts ont été, eux, passablement émoussés, parfois même effacés. Le canidé domestique porte également des stigmates physiques, engendrés par les caprices de l’homme. Plus de 600 maladies génétiques ont été répertoriées chez les chiens de race, ce qui est assez alarmant. On retrouve également des malformations telles les hanches abaissées (provoquant de la dysplasie à grand échelle, par ex. chez le Berger Allemand), l’aplatissement nasal (races brachycéphales telles le bouledogue français, le carlin etc.), de la surdité/cécité lors de « mariage entre deux individus porteurs du gène « merle » (Berger Australien) et, depuis 10-20 ans, une émergence de troubles digestifs et allergiques. Au niveau comportemental, les manipulations et autres croisements génétiques, tout comme la mauvaise sélection des individus dans des élevages peu regardants, amènent également des tares ou amplifient certains aspects comportementaux (hyperactivité, dépression, agressivité ou encore automutilation). Vous découvrirez, dans ce dossier, l'ampleur du "mal", soit la méconnaissance que nous avons du fonctionnement canin, l'incapacité à comprendre et respecter les besoins du chien et l'erreur d'apposer notre raisonnement humain pour évaluer les canidés. Cela mène, bien souvent et malheureusement, à des troubles comportementaux, à des incidents mais aussi à des abandons, les propriétaires se retrouvant dépassés et ne sachant plus comment gérer. 

 

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Il faut savoir qu'en ce qui concerne les modifications physiques, elles ont également des conséquences sur la communication entre chiens. Nous pouvons citer le front plissé (boxer, sharpei, carlin, bouledogue) ou la crête sur le dos, propre au Rhodesian Ridgeback, qui, chez le chien, sont des signes de menace. Mais aussi l'aplatissement du museau, provoquant en outre le fameux « syndrome obstructif respiratoire des races brachycéphales - SORB). Ces modifications entraînent des problèmes de communication et de compréhension, ce qui conduit ces races à être parfois victimes d'agression, sans que les propriétaires ne puissent en comprendre les raisons. En effet, les canidés communiquent au travers de vocalises, de marquages mais également grâce à des mimiques et postures. Certains signaux d’apaisement, que font les chiens pour communiquer le « non-conflit », apaiser l’autre et s’apaiser, sont désormais impraticables pour certaines races. Cela engendre donc, lors de rencontre entre races différentes ou avec des canidés sauvages, de possibles incompréhensions, des malentendus et peut mener à une augmentation des conflits intraspécifiques.

Car oui, le canidé, y compris le chien, peut infliger des morsures ou la mort à ses congénères, à d’autres espèces animales mais aussi à l’homme. Il est gouverné par des instincts entraînant des réactions immédiates et non contrôlables ni modifiables. C’est un fait qui est, encore aujourd’hui, souvent passé sous silence ou méconnu, surtout en ce qui concerne le chien. En effet, nous en avons fait un compagnon de vie, présent dans plus de 460'000 foyers suisses actuellement. Nous le laissons en compagnie de nos enfants, l’emmenons partout dans les lieux publics, chez des amis etc. La notion de « danger » est donc minimisée voire ignorée de beaucoup, ce qui est préjudiciable autant pour l’humain (attaques, morsures), pour le chien (méconnaissance de ses instincts/comportements/codes et besoins) que pour ses congénères et la faune sauvage (attaques, mort).

Aujourd’hui en Suisse, il n’existe aucun critère ou condition spécifique à remplir pour posséder un chien, à l’exception de cours pratiques (éducation canine), obligatoires dans trop peu de cantons actuellement. Mais soyons honnêtes : c’est loin d’être suffisant pour réellement comprendre son compagnon, son fonctionnement et cela entraîne, malheureusement, une forme hautement négative d’anthropomorphisme depuis une ou deux décennie(s). Nous reviendrons, plus en profondeur dans le chapitre « Le chien, vrai innocent ou coupable oublié », sur les circonstances qui mènent, très majoritairement aux attaques/morsures sur l’humain. Car, contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, le responsable n’est, majoritairement, pas celui qu’on croit…


Dictionnaire

ADN                               Molécule support de l’information génétique héréditaire.
Génétique                       
Tout ce qui est relatif aux gènes, à l’hérédité.
Intraspécifique                Tout ce qui se passe à l’intérieur d’une même espèce biologique.
Anthropomorphisme        
Tendance à attribuer aux animaux et aux choses des réactions humaines.

 
Photos : illustrations
 

 

LE RENARD

Le troisième des quatre canidés vivant dans nos contrées, c’est le renard (Vulpes Vulpes). Il pèse entre 2,2 et 14 kg et mesure, en moyenne, 58 à 90 cm pour une hauteur de 35 à 40 cm au garrot. La queue mesure, elle, entre 32 et 49 cm. Robe rousse, regard curieux, considéré comme rusé et intelligent, c’est le canidé le plus présent en Suisse avec le chien. Le renard vit habituellement en couple, avec les jeunes de l’année. Mais son mode de vie n’est pas le même durant toute son existence, et l’on rencontre des individus solitaires ou des petits groupes de 4-6 adultes. Sa vie sociale dépend de la saison, de l’habitat et de la nourriture disponible. Ses effectifs ne sont pas réellement connus mais sachant il y aurait environ 25'000 renards en Valais, nous pouvons donc facilement estimer que sa population se chiffre en centaines de milliers d’individus sur le territoire helvétique. Son régime alimentaire est composé de rongeurs, lagomorphes, oiseaux, d’œufs, insectes et il est également charognard.

En bon canidé, il est également présent dans nombre d’environnements différents, de la forêt aux villes, en passant par la montagne et la plaine. Nous le croisons souvent, de jour comme de nuit, chassant les campagnols et s’attaquant, parfois, aux poules et autres petits animaux de ferme. Il peut lui arriver de s’attaquer à un agneau nouveau-né, étant lui aussi un opportuniste. Tout comme le loup, s’il se retrouve dans un poulailler, où les poules sont prises au piège, il va également voir surgir le fameux « Surplus Killing Instinct », dont nous parlerons dans le chapitre « Le loup et les attaques sur l’homme ». Il a longtemps été considéré (et continue de l’être dans certains pays) comme une espèce dite « nuisible », ce qui est une notion 100% anthropomorphique et totalement erronée.

Le renard est indispensable au maintien d’un écosystème équilibré puisqu’il élimine efficacement nombre d’espèces de rongeurs qui, en l’absence de prédateurs naturels, se multiplient, commettent de gros dégâts et peuvent transmettre des maladies, potentiellement mortelles à l’homme (zoonoses). Les dernières études scientifiques montrent que le renard permet une limitation des tiques et donc de la transmission de la maladie de Lyme. Il est chassable en Suisse, le prélèvement concerne environ 20'000 individus par année. Il ne pose que peu de problème à l’humain, même si quelques rares cas de morsure ont été relaté ici et là, le canidé devenant parfois trop confiant, souvent après avoir été nourri par l’homme. Mais elles sont insignifiantes et ne représentent, en soi, aucun danger puisque la Suisse est, aujourd’hui, indemne de la rage, maladie mortelle.


Dictionnaire

Zoonose           Maladie infectieuse des animaux vertébrés transmissible à l’être humain.

 

Renard 4

Photo : Mission Loup

LE CHACAL DORÉ

Le quatrième et dernier canidé présent en Suisse est le chacal doré (Canis Aureus). Il pèse entre 6 et 14 kg et mesure 71 à 85 cm de long pour le mâle et 69 à 73 cm pour les femelles. Sa hauteur au garrot est de 45 à 50 cm. Il ressemble au loup mais s’en distingue par sa taille (plus petite), son torse plus allongé, son front moins proéminent, ses pattes et sa queue plus courtes et son museau plus étroit et pointu. Son régime alimentaire est très varié, allant des mammifères, oiseaux, reptiles aux poissons, crustacés, invertébrés, fruits, jeunes pousses de végétaux etc.

Il vit également en unité familiale, un couple et ses petits. Il a la même capacité d’adaptation que son grand cousin Canis Lupus, pouvant vivre dans des environnements variés, des grandes espaces parfois arides. Mais contrairement à ce dernier, il chasse plutôt seul ou en couple mais pas en meute. Il ne fait pas exception à la règle des canidés : c’est un grand opportuniste également. Sa présence est encore faible en Suisse, avec seulement trente-cinq observations dont huit considérées comme sûres.

A l’échelle européenne, les effectifs se montent à 100'000 individus, principalement répartis dans l’Est de l’Europe, dans les pays comme la Hongrie, la Serbie, la Bulgarie ou la Roumanie. Ce canidé est donc très discret pour l’instant, ne s’étant pas encore fait remarquer, ni en ce qui concerne les attaques sur les animaux d’élevage (une seule répertoriée à ce jour en Suisse) ni au sujet d’un quelconque conflit avec l’homme. Il garde, toutefois, les mêmes instincts que les quatre autres, ce qu’il est nécessaire de garder à l’esprit.

 

Chacal dore

Photo : wikipedia

CHAPITRE SUIVANT : LE FONCTIONNEMENT DU LOUP


Renard

Date de dernière mise à jour : 08/08/2024