Mission Loup

EFFECTIFS ET MORSURES

Image martina osmy

 

En Suisse, fin 2023, les effectifs de chiens se montaient à 553'452 individus, répartis dans les 26 cantons. Le nombre de détenteurs se fixe, lui, à 455'016. Sur ce chiffre, 392'157 détenteurs ne possèdent qu’un seul chien, 50'020 en ont 2 et 7844 en détiennent 3 (4904 personnes en possèdent plus de 4). Tout chien doit, dans notre pays, être enregistré chez Amicus, au moyen d’un microchip qui permet son identification, auprès des services de police et vétérinaires.

Avec de tels effectifs de canidés domestiques, présents dans tant de foyers et lieux publics, il est donc de mise de se questionner et d’approfondir sur les éventuels incidents qui peuvent, logiquement, avoir lieu entre le chien et l’humain. Car, ne soyons pas dupes, il est clair que comme avec tout être vivant, des pincements, des agressions, des morsures voire des attaques mortelles peuvent survenir. Le chien est un prédateur, il est vital d'en avoir pleinement conscience et non, comme cela se fait de plus en plus souvent, de l'infantiliser (anthropomorphisme) ! Malheureusement, même si certains de ces chiffres sont parfois publiés, la situation dans son ensemble est, très majoritairement et presque totalement, ignorée par la population suisse. 

Les chiffres de recensement nationaux des morsures/attaques de chien sur l’homme et d’autres animaux ne sont, désormais, disponibles que canton par canton. L’OSAV (Office fédéral de la sécurité alimentaires et des affaires vétérinaires) ne publie plus de statistiques au niveau suisse, ceci depuis plus de 10 ans. Lors de la dernière publication en 2008, les chiffres étaient les suivants :
 

Effectifs de chiens                               499'021

Nombre de morsures enregistrées        4796



La statistique, que vous trouverez dans les références, vous permettra d’obtenir de plus amples précisions quant aux catégories d’âges des victimes, la gravité des blessures, les parties du corps touchées, les lieux où se sont produits les incidents, le lien entre le chien et la victime ou encore les races de chiens concernées. Il est vraiment regrettable voire préjudiciable qu'un rapport fédéral, sous cette forme, ne soit plus publié. En effet, comme nous le disons communément « ce n'est pas ce que nous ignorons qui nous pose des problèmes. C'est ce que nous tenons à tort pour vrai » ! Le manque de publication des données officielles maintient la population dans la méconnaissance des risques réels d’agressions et de morsures de chiens domestiques. Et l'absence de cours théoriques au niveau fédéral (une aberration quand on parle d'un être vivant) et d'obligation à suivre des cours pratique d'éducation canine dans nombre de cantons, la transmission des connaissances indispensables ne se fait pas efficacement. Tout cela nuit autant au bien-être du chien (ce qui induit différents niveaux et formes de maltraitance) qu'à la sécurité de l'humain. C'est assez grave dans une société évoluée comme la nôtre et devra être corrigé, le plus tôt serait le mieux !

Morsure enfant main
 

Aujourd’hui, le nombre de chiens a encore augmenté, tout comme les incidents. Lors d’une étude réalisée en Suisse en 2001 par la vétérinaire Ursula Horisberger, 13'000 morsures avaient été répertoriées en onze mois (septembre 2000 à août 2001). En 2024, le nombre de morsures pourrait, logiquement, avoir pris l'ascenseur donc nous estimerons la moyenne à 10'000 à 15'000 morsures annuelles de chien sur l’homme. Selon les indications reçues en formation fédérale, certaines ne seraient pas annoncées aux services vétérinaires cantonaux (40%). En effet, il n’est pas rare que si la blessure n’est pas grave ou peut être soignée sans recours à des points de suture ou opérations, les victimes décident de pas déclarer l’attaque, notamment pour les simples pincements. Il peut y avoir d'autres raisons à cela, comme le souhait de ne pas causer de problèmes dans le cas où le chien responsable de la morsure ferait partie de la famille ou appartiendrait à des amis proches. La croyance que l’euthanasie pourrait alors être la conséquence est encore bien présente. Nous pouvons également citer la reconnaissance, de la victime, d’avoir été à l’origine de la morsure à cause d’une erreur commise et qu’elle assumera, ne déclarant alors pas le cas. 

En ce qui concerne les victimes, elles proviennent de plusieurs catégories d’âge mais les statistiques médicales et vétérinaires sont sans détour : les enfants de moins de 10 ans sont les principales cibles et victimes, par rapport à leur proportion dans la population ainsi qu'à leur petite taille. Cela est, somme toute, logique. Nombre de familles ont un ou des chiens, les enfants côtoient le canidé dans plusieurs lieux de vie (amis, places de jeux, domaine public, nature, etc.) et ne connaissent, bien souvent, pas les limites, les choses à faire ou à ne pas faire ou encore les instincts et comportements du chien. Selon les statistiques 2008, le risque de se faire mordre, pour un enfant, est jusqu'à deux fois plus élevé que pour un adulte.

Comme le risque pour les enfants est donc élevé, nous tenons à apporter des précisions : 
le chien n'identifie pas l'enfant, entre la naissance et la puberté environ, comme un être humain. Le chiot va le considérer comme un compagnon de jeu, un congénère voire, parfois, comme un jouet. Et un chien adopté ou adulte, n'ayant pas vécu ou été familiarisé avec des enfants, pourra aussi le considérer comme une proie ou un danger pour lui. Dans ce cas précis, tout couple possédant un chien et souhaitant avoir un enfant devrait impérativement s'informer auprès de vétérinaires/éducateurs, durant la grossesse, sur les bonnes méthodes à appliquer à l'arrivée de l'enfant. Ceci afin d'éviter les erreurs, parfois difficiles à réparer. De manière générale, sans connaissances approfondies ou professionnelles du milieu canin, nous devrions toujours demander conseil à des spécialistes AVANT d'opérer un quelconque changement dans la vie et l'environnement du chien ! S'il y a une règle des plus importantes à retenir avec un enfant, c'est celle-là : ne le laissez jamais seul avec un chien (même de la famille) et surveillez systématiquement, avec grande attention, toutes les interactions entre lui et le chien !


Statistiques morsures

 

Le chien responsable de la morsure est, les deux tiers du temps, connu de la victime, soit faisant partie de son entourage proche. Actuellement, les races de chien totalisant le plus d’incidents avec l’homme sont les races communes, berger, labrador, etc. Là encore, contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les races dites molossoïdes qui sont les plus dangereuses comportementalement parlant (à l'exception des influences de mauvais propriétaires, les prenant pour faire peur, faire des combats de chien, avec souvent, de la maltraitance - les molosses possèdent une mâchoire puissante pouvant faire plus de dégâts), mais bien les races qui font l’unanimité parce qu’étiquetées « chien de famille » et plus populaires. Il serait grand temps que nous cessions d'utiliser ce genre de dénomination pour les races de chien et qu’on soit clair et concis : un chien n’est ni gentil ni méchant, c'est un canidé gouverné par ses comportements phylogénétiques et ontogénétiques, son caractère & sa personnalité propres, l'environnement dans lequel il évolue, ses expériences & apprentissages vécus et son état physique/émotionnel, entre autres. En outre, il est totalement faux, voire très dangereux, de continuer à penser que tous les individus d'une même race ou espèce auront forcément les mêmes caractéristiques comportementales et fonctionnement ou que ce qui s'applique à l'un peut s'appliquer à tous les autres de la même façon, avec les mêmes résultats. C'est une des plus grossières erreurs que nous commettons dans la gestion du vivant, y compris à l'intérieur de notre propre espèce. 

En ce qui concerne les parties du corps touchées, lors de la majorité des attaques, cela dépend de la catégorie d’âge concernée et de l’action au moment de la morsure. Sans surprise, chez les enfants, les deux parties le plus souvent mordues sont la tête/visage (très logique au vu de la taille dans cette catégorie d'âge) et les membres inférieurs. Chez les adultes, nous retrouvons les membres inférieurs, supérieurs et les mains.


Localisation morsures

 

 

Qu’en est-il, également, du degré de gravité des blessures et des séquelles potentielles, au niveau physique mais aussi psychologique ? Il faut savoir que les morsures sont classées en trois grades, décrits comme suit :

Grade 1           Pincement, morsure sans perforation de la peau
Grade 2           Perforation de la peau sans déchirure musculaire
Grade 3           Perforation de la peau et déchirure musculaire (massive)

Si le premier grade ne requiert que peu de soins, même ambulatoires, les deux suivants nécessitent un examen médical et les conséquences peuvent alors être nettement plus lourdes pour la victime. La majorité des morsures enregistrées sont de grade 2, suivie du grade 1 puis du grade 3.

Pour les grades 2 et 3, les séquelles physiques (cicatrices, handicaps à divers degrés, etc.) mais aussi et surtout psychologiques (peur, angoisse, phobie, etc.) sont très fréquentes et peuvent gâcher la vie de la victime et de ses proches. D’ailleurs, les morsures de chiens laissent souvent plus de traces au niveau psychologique, ce qui est souvent méconnu de la population mais reste un problème sérieux et qui peut perdurer sans traitement de désensibilisation adéquat.

Morsure enfant visage dechirure massive


FAITS ET CHIFFRES MARQUANTS

Une étude réalisée à l'Hôpital pour enfants "Armand-Trousseau" (Paris), entre 2002 et 2010, sur 77 enfants mordus par un chien au visage, a donné les chiffres suivants : 55 enfants ont subi de multiples morsures de chien à la face (71,43 %), qui touchaient la zone centrale. Les morsures étaient profondes chez 59 enfants (77 %), avec amputation ou perte de substance étendue pour 24 d'entre eux (31 %). La durée de cicatrisation était de 10,54 mois. Près d’un tiers des enfants, soit 22 sur 77, ont nécessité plusieurs interventions chirurgicales ; 32 enfants présentaient des séquelles esthétiques (41,56 %) et fonctionnelles ; 27 enfants présentaient des troubles psychologiques (35.1 %).

Entre mai 2009 et juin 2010, une étude de Cécile Ricard, regroupant huit centres hospitaliers français (Annecy, Béthune, Blaye, Fontainebleau, Le Havre, Limoges, Marseille et Verdun) a traité des facteurs de gravité des morsures de chien aux urgences. Elle est édifiante et mérite d'être entièrement lue : ÉTUDE COMPLÈTE ! Nous retenons le tableau ci-dessous, qui montre le nombre de morsures et leur degré de gravité chez l'enfant, entre 0 et 15 ans. Ces chiffres ne sont que pour une seule petite année et ne concernent que 8 centres hospitaliers sur plus de 1355 en France.


Satistiques morsures enfant 8 hopitaux francais 2009 2010


En Suisse, l'étude d'Ursula Horisberger, entre 2000 et 2001, a donné les résultats suivants : sur 13'000 morsures, 2860 patients soignés à l’hôpital l’ont été sous anesthésie (22%). Leurs blessures ont été qualifiées de «blessures graves». Ce sont principalement les blessures à la tête et aux mains qui se révèlent être des «blessures graves» (5980 & 2990). 975 personnes ont dû être hospitalisées (7,5%) ; les personnes blessées à la tête sont celles qui sont le plus souvent hospitalisées (2990 soit 23%). D’une manière générale, les enfants – le groupe présentant le plus de blessures à la tête – souffrent plus souvent de blessures graves et ils sont aussi plus souvent hospitalisés.

Ces chiffres, qui ne concernent finalement que 9 hôpitaux français (sur 1 année) et une seule étude en Suisse, sont très inquiétants et devraient véritablement faire réfléchir certains politiciens et détracteurs du loup ! Aujourd'hui encore, ils ne cessent de prédire des attaques de loup, insistant sur le haut danger planant sur nos enfants mais ils zappent entièrement la réalité, qui ne corrobore aucunement leur argumentaire ! Et les incidents continuent, cachés dans l'ombre et sans que rien ne bouge politiquement, ce qui est hautement condamnable. Et, en ce qui concerne des chefs d'État, ceci est contraire aux mandats qui leur sont confiés soit d'assurer la protection et la sécurité de la population. 

Au niveau cantonal, nous vous fournissons les statistiques du Valais, possédant 26'506 chiens (décembre 2023) et étant un des cantons les plus peuplés de loups, au passage. Elles vous montrent que les cas de morsures canines sont en augmentation, de plus de 50% depuis 2019 :

Année                         Nombre de morsures

2018                             226                                                     
2019                            
155
2020                             177
2021                             229
2022                             307
2023                           
314

 

Statistiques vs 2023 b

 

Au niveau de la Romandie, fin 2022, les rapports cantonaux des Services Cantonaux aux affaires vétérinaires des 6 cantons, font mention d’un total de 1273 morsures de chiens sur l’homme. Ce ne sont que les cas déclarés encore une fois.

Si nous nous risquons alors à une petite extrapolation du nombre de morsures de chien domestique sur l’homme en Suisse, sur une période identique au rapport sur les attaques de loup de John Linnell (2002-2020) et en prenant une moyenne bien plus basse que les chiffres fournis précédemment, voici ce que cela pourrait donner :

Moyenne des morsures                   4000
Durée                                           18 ans (2002-2020)
Total en Suisse                               72'000 blessés / 2 morts


Ces chiffres, même s’ils ne sont qu'une estimation et ne concernent que la Suisse, sont bien en-dessous de la réalité et ne montrent aucunement la gravité des cas, les traumatismes ni les frais engendrés ! Malheureusement, dans les médias, il n’est que rarement fait mention des morsures de chien, des problèmes qu'elles causent, tant au niveau physique que psychologique. En effet, cela est nettement moins polarisant que le Grand Méchant Loup, à l'heure où il est question d'avoir le meilleur sujet pour optimiser les ventes. Publiquement, il n'est donc que peu voire pas fait mention de ce qui mène aux agressions, du « taux » de responsabilité de l’humain, des solutions pour les éviter ni de quelconques mesures de prévention, à large spectre.

Ce chapitre ne peut être complet sans mentionner l’issue mortelle d’attaques de chien. Selon les chiffres avancés, on ne compterait pas moins de 25'000 morts dus au chien annuellement dans le monde. La cause principale est, sans surprise, la rage, dans des pays aux conditions précaires majoritairement. Mais, en France, ces vingt dernières années, trente-trois personnes ont perdu la vie dans des attaques offensives : 21 avaient moins de 15 ans et, parmi elles, 16 avaient moins de 5 ans !

 

Enfant mordu par chien



En Suisse, deux personnes, dont un enfant de 6 ans, ont été tuées par des chiens depuis 2006. Quand on sait qu’un chien de 20 kg peut tuer une proie de 80 à 100 kilos, nous comprenons alors qu’il s’agit bien d’un prédateur et qu’il serait judicieux de ne pas l’oublier dans l’approche que nous avons du chien domestique. Et cela devrait, si l'on était censé et que la sécurité était notre principale préoccupation, conduire à une révision voire à un durcissement des conditions d'obtention pour le chien, au travers de cours théoriques et pratiques obligatoires voire d'éventuelles formations continues. Et cela dans l'intérêt, en premier lieu, du chien, pour son bien-être physique et psychologique. La suite vous permettra de comprendre, plus en profondeur, l'ampleur du problème dans notre rapport au chien et aux diverses formes de maltraitance que notre "souplesse" actuelle engendre !

Nous tenons à préciser qu'en Suisse et en France, depuis le début des années 90, aucune morsure ni incident n'a été répertorié entre le loup et l'homme/l'enfant. Bien que cela puisse arriver, comme vu précédemment, il est alors hautement recommandé de toujours prendre en compte la totalité du sujet, les chiffres et les faits réels, avant de s'exprimer publiquement ou de vouloir peser sur des décisions politiques au travers d'une couverture et d'un argumentaire uniquement, et volontairement, anxiogènes. Agir sur la prévention, l'information maximale et la bonne foi serait nettement plus favorable à la population mais également aux chiens et à la faune sauvage en général.



Dictionnaire

Ontogénétique         Comportements propres à l’individu, de sa naissance à sa mort. Interaction entre le patrimoine génétique
                              et l’environnement. Ces comportements varient selon la situation, sont influencés par l’environnement
                              et surtout, PROPRES à chaque individu.


Phylogénétique        Comportements innés, plus communément appelés « instincts », qui proviennent du développement d’une espèce
                              au cours de l’évolution et la transmission des gènes. Ils peuvent influencer le comportement mais pas le dicter.
                              Ils se développent sans influence visible de l’environnement.

 

CHAPITRE SUIVANT : AGRESSIONS/INCIDENTS - PAR QUOI OU PAR QUI SONT-ILS PROVOQUÉS ?

 

 Morsure chien b

 

Photos : Martina Osmy, OSAV, SCAV, LaruSanson & illustration

 

Date de dernière mise à jour : 08/08/2024