Mission Loup

Loup et mouton

L'ABC de la régulation du loup - Réactive

Le 12/12/2023

Nous sommes obligés, au vu de l'actualité en Suisse, d'expliquer les conséquences possibles que pourraient avoir le tir à l'intérieur de la meute que nous suivons, ainsi que des autres concernées par la régulation proactive. Il est déjà nécessaire de comprendre que deux types de régulation sont aujourd'hui mises en place en Suisse, à cause de l'Ordonnance en phase test : réactive et proactive. En plusieurs parties, nous faisons le point sur ces deux méthodes et les effets que les tirs pourraient avoir les prochains mois et potentiellement années.

LA RÉGULATION RÉACTIVE

Jusqu'ici en Suisse, la régulation en place était réactive. Cette dernière permet d'abattre un loup dès qu'il a atteint/dépassé le nombre de victimes en situation protégée (au moins un moyen de protection officiel sur les deux existants, qui sont les clôtures électrifiées et le(s) chien(s) de protection) ou sur des pâturages non protégeables (étiquetés comme tel car leur topographie ne permet pas d'y mettre les moyens de protection). Actuellement, sur les zones où des loups sont déjà présents, une autorisation de tir peut tomber après la mort d'au moins 6 animaux en 4 mois (OChP, art 9 bis 39). 

Dans le cas de meutes, la régulation réactive préconise, dans un premier temps, le tir de louveteaux, à hauteur de 75% des petits de l'année, pour autant que le canton ait la preuve d'une reproduction dans l'année en cours. Le tir de subadultes peut aussi intervenir. Dans un cas exceptionnel, un membre du couple reproducteur peut être abattu selon des exigences bien établies : il doit avoir commis la majorité des attaques sur les deux précédentes année. L'évalutation, jusqu'ici, avait lieu au travers des relevés ADN trouvés sur les victimes ou déjections aux abords des lieux de l'attaque. Cela est très criticable car l'ADN ne montre pas quel individu est le leader, mène l'attaque, a appris (et transmet) les éventuels comportements non souhaitables (habituation, détournement des moyens de protection) mais simplement lequel a mordu la proie lorsde l'attaque. Or, tous les loups d'une meute peuvent laisser leur ADN sur la proie et celui qui a mordu à la gorge n'est pas forcément celui qu'on croit ou qu'on voudrait désigner comme le responsable de tous les maux. Ce tir n'est possible qu'entre novembre et janvier. En effet, il s'agit d'une période que nous pourrions définir comme "sans danger" pour la conservation de la meute et de l'espèce, les louveteaux étant désormais prêts à partir et la reproduction annuelle n'ayant pas encore eu lieu.

Selon la loi votée en décembre 2022 au Parlement, le tir de meutes entières devait rester exceptionnel, comme l'est déjà le tir de membres de couples reproducteurs. Pour effectuer un tel tir, la meute devait avoir commis de lourds dégâts sur des animaux majoritairement en situation protégée et être considérée comme "incontrôlable" (entendez par là avoir créé une habituation forte, trop fréquente sur les animaux d'élevage ou détournant des moyens de protection, mettant une pression appuyée sur les troupeaux). D'autres méthodes auraient dû, normalement, être appliquées avant d'en arriver à cette extrême qu'est le tir de la meute dans sa globalité. 

La régulation réactive propose un certain recul puisqu'elle évalue encore la nécessité de comprendre et respecter les périodes vitales pour le loup, la meute et sa survie, l'importance de prélever le bon individu pour éviter les effets négatifs, autant pour la population lupine (déstabilisation de la meute, dislocation, dispersion rapide, chute de la protection régionale/nationale etc.) que pour les animaux d'élevage (augmentation des attaques). Elle axe donc sur une réaction à des attaques selon différents facteurs importants : fréquence, situation, environnement, type d'élevage, moyen de protection mis en place, détournement ou habituation du prédateur, éventuelle étude de son comportement/fonctionnement, de l'individu pouvant ou devant être prélevé etc. 

Il est bien évident que, pour les éleveurs concernés par des attaques en ayant en protection présente, la solution ou le tir n'interviennent jamais assez rapidement. Cela est tout à fait compréhensible et légitime. Mais, comme nous le savons, la précipitation n'est jamais bonne conseillère, notamment en ce qui concerne le vivant et d'autant plus une espèce comme le loup et tout type de prédateurs. Nous rappelons que ces derniers fonctionnement totalement différemment des espèces proies et qu'il est donc impossible voire extrêmement dangereux d'appliquer les mêmes méthodes de régulation que pour ces dernières. Le tir, pour avoir une chance de mener à une éventuelle stabilisation ou baisse des attaques, doit reposer sur une étude approfondie de l'individu, de la meute, de la situation précise, de l'environnement, du type d'élevage, des moyens mis en place, de nombreux facteurs encore une fois).

Pour comprendre la régulation, il faut prendre en compte l'ensemble du sujet, les multiples paramètres qui le constituent et bien comprendre les conséquences sur le prédateur, sa population mais surtout, en premier lieu, sur les animaux d'élevage (augmention, stabilisation ou baisse des pertes occasionnées). Il est nécessaire de comprendre quels facteurs peuvent provoquer des changements dans le comportement et fonctionnement d'une meute, sur ses effectifs, sur les attaques & pressions qu'elle engendre sur les animaux d'élevage etc. Toute intervention sans recul, effectuée de manière trop répétée, intensive ou arbitraire peut alors, selon les circonstances (là encore multifactorielles), conduire à des situations bien pires, surtout pour les éleveurs, ce qui est le dernière chose à souhaiter.

 

Article : TT - Mission Loup
 

 

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