Il est encore courant d'entendre, ici et là, que le loup stresse ses proies, qu'elles ne sont plus tranquilles, que sa présence est un dérangement conséquent pour la faune sauvage. Bien entendu, les nombreuses études, observations et rapports mondiaux, effectués par des spécialistes lupins, biologistes ou même des tiers montrent qu'il n'en est rien.
La réapparition d'un prédateur dans un milieu où il en était absent depuis des années voire des décennies va possiblement, dans un premier temps, causeer une éventuelle et très légère baisse des proies. Pourquoi ? Tout simplement car elles ne sont plus habituées à côtoyer un autre prédateur que l'homme, qu'elles ont appris à connaître. Lors de la chasse, qui finalement n'a lieu que sur de courtes périodes pour les cervidés/ongulés, les espèces proies ont appris les comportements à adopter, ce qui leur permet d'avoir une chance d'en réchapper en se dirigeant notamment vers les zones de district franc, réserve etc. Ces connaissances, présentes sur de nombreuses générations, passent donc par les gènes (instincts) mais aussi par les apprentissages, enseignés par les parents/congénères et les expériences vécues (épigénétique). La proie apprend donc à se méfier de l'homme, à certaines périodes horaires ou de l'année, sait où possiblement se réfugier et cela complique souvent la tâche des chasseurs. Dans la région du Parc National Suisse (Grisons), aux premiers coups de fusil, nombre de cerfs partent se réfugier dans le Parc, sachant pertinnement que les chasseurs ne peuvent s'y rendre. C'est un fait connu et reconnu.
Au retour d'un nouveau prédateur, les proies doivent donc le "réapprivoiser", soit apprendre à le connaître (fonctionnement, comportements, attitudes, déplacements etc.) et cela peut prendre un peu de temps. Le loup va donc profiter de l'inexpérience de ses proies et aura, possiblement, un peu plus de succès au début. Puis, au fil des mois/années qui suivent, les proies acquièrent des connaissances, qui leur permettent de mieux appréhender le prédateur, augmentant ainsi leurs chances de survie. Ainsi, au travers de l'observation et l'expérience, elles savent repérer les signes, à différencier les divers comportements (prédation, repos etc.) et donc le degré de risques/danger. Elles adoptent également des techniques différentes, se regroupant ou, au contraire, se morcelant en plus petits groupes (hardes). Et, pour terminer, elles changent également leurs habitudes et zones de repos/repas, préférent des endroits qui leur permettent de trouver refuge et/ou de voir arriver le prédateur, augmentant encore leur chance. Ces changements comportementaux et d'habitudes modifient donc la donne sur le terrain, laissant souvent penser, à tord, que le prédateur a décimé ses proies à des endroits où, jadis, les proies pullulaient. Mais la réalité est toute autre, il s'agit simplement de changements nécessaires, d'une adaptation des proies à un nouvel élément dans leur environnement.
Les proies ne subissent pas de stress hormis au moment de la prédation, ce qui sera également le cas pour tout animal (domestique, sauvage ou d'élevage) qui est confronté à un danger dans son quotidien, ni plus ni moins. En-dehors d'une attaque, les proies jaugent la situation et il n'est de loin pas rare de voir des biches, des bouquetins et autres, passer à proximité du prédateur, comme le montre de très nombreuses vidéos filmées dans différentes régions de la planète. Elles sont aussi capables de s'opposer au loup, de le charger, de le blesser voire, parfois, de le tuer. Ces cas sont loin d'être rares et sont documentés dans les ouvrages de spécialistes du loup, ayant pu les observer ces dernières décennies ("Wolves on the hunt" - Mech/Smith/MacNulty).
Prédateurs et proies partagent donc le même territoire, sauf que celui du loup est jusqu'à 6 à 10x plus grand (30km pour le cerf). Ainsi, en se déplaçant constamment, sur de très longues distances et en ne restant jamais plus de quelques jours au même endroit, le loup ne décime pas ses proies. Sans compter qu'il varie également la gamme de ses menus, pouvant chasser autant des lièvres que des cerfs, en passant par tout type de proies (à poils, à plumes ou à écailles) et de gabarits. Dès lors, les proies ont des moments de calme relatif, où le prédateur est dans une autre autre zone mais conservent toujours une vigilance. Rappelons que l'un des avantages du loup sur l'homme, par rapport aux proies, est qu'il est présent sur son territoire et y chasse toute l'année. Les proies sont donc obligées de se déplacer, de changer leurs habitudes et cela empêche donc la sédentarité, qui est la cause des nombreux dégâts de ces dernières sur les cultures et forêts, en plus d'éventuelles surpopupations.
Afin de vous montrer à quel point les proies cohabitent avec le prédateur sans en être impactées négativement, nous vous montrons trois vidéos, filmées sur le même lieu. Le sanglier passe, il sera suivi du loup puis du cerf. Et tout cela en à peine 1h15 ! Vous pouvez également visionner des vidéos sur les pages Facebook de Pietro Santucci ou Raffaele Imondi, qui vous montreront les interactions inter-espèces réelles dans la nature !
Article : TT - Mission Loup
Vidéos : Mission Loup
Photo : Jérémy Voirin