Mission Loup

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MEUTE À ARSÈNE - Les choix du subadulte

Le 18/05/2024

La période qui s'étend des prémices de la reproduction à la mise-bas (février-mai) peut être source de conflit à l'intérieur de la meute. Les hormones, les personnalités amènent des tensions significatives puisqu'à l'origine, seul le couple reproducteur se reproduit dans une meute. Dès lors, entre jalousie, protection et agressivité, certains changements hiérarchiques peuvent survenir mais, surtout, cela peut provoquer des départs parmi les subadultes présents. Mais savez-vous quelles sont alors les différentes possibilités, pour ces individus, de se reproduire par la suite ? Nous vous expliquons tout cela...

Dans nos contrées, l'immense majorité du temps, les meutes comptent entre 3 et 10 individus. Il faut savoir que les effectifs de loups ne sont pas les mêmes selon les périodes. En effet, entre mai et octobre, la meute éduque les louveteaux, ce qui augmente, logiquement, les effectifs et le besoin de force vive pour aider à la chasse, au nourrissage et à l'éducation. Il n'est donc pas rare de voir entre 4 et 12 individus au sein de la meute à cette période, tout en sachant que les louveteaux ne se déplacent pas avant fin septembre, ne participant à aucune activité de la meute.

Entre novembre et avril, nous entrons alors dans une période où les mêmes effectifs vont subir des modifications, avec les possibles départs de certains individus, des louveteaux de la portée récente mais aussi les subadultes des années précédentes. Il convient également de dire que, durant ces mois d'hiver, la période de reproduction amène des conflits et des tensions certains, entre hormones, personnalités différentes et l'agressivité qui en découle. Nous l'avions expliqué dans un article en mai 2023. A cette période, les effectifs descendent et se situent, plus souvent, entre 3 et 7 individus. Ce sont toujours des moyennes et beaucoup de facteurs peuvent les modifier, notamment la mortalité (régulation, braconnage, accidents de la circulation, mort naturelle, etc.). 

Les subadultes peuvent soit choisir de partir soit être chassés par le couple reproducteur, notamment lorsque des conflits éclatent et que le jeune se montre particulièrement "rebelle", ne respectant plus les codes et règles de la meute. Ce départ est une aventure en elle-même qui, bien malheureusement, conduit fréquemment à la mort puisqu'environ 60 à 80% des loups meurent entre l'âge de 1 et 3 ans. La cause en est principalement les accidents de circulation mais le braconnage (et aujourd'hui la régulation) est également sur le podium des principaux motifs de décès.

La nature veut que le subadulte disperse afin d'assurer la pérennité de l'espèce, sur un large spectre. Mais quelles sont les possibilités qui lui sont offertes pour tenter, à son tour de se reproduire et de fonder une meute ? Contrairement à ce que beaucoup pensent, il n'y en a pas qu'une...:

1. La plus connue reste la fameuse dispersion, le loup quittant sa meute, dévorant des centaines voire milliers de kilomètres pour certains et trouve un territoire libre ou libéré. Il peut également, durant son parcours, être accueuilli par une meute ou remplacer un membre du couple reproducteur disparu voire le chasser. Blessure, vieillesse, caractère plus fort peuvent mener à un changement hiérarchique au sein d'une meute existante. Nous avons ce cas actuellement, dans la meute de Nanz, où le mâle reproducteur a été abattu en décembre, durant la phase de régulation proactive : un mâle disperseur, M365, a pris sa place et est devenu le nouveau (futur) mâle reproducteur. Les tirs tels que pratiqués en Suisse, risquent de provoquer plus de remous et de situations de ce genre à l'avenir, c'est un fait.

S'il trouve un territoire libre, il peut soit y attendre un nouveau partenaire provenant, lui aussi, de la dispersion ou de meutes voisines, soit continuer son périple. 

2. Le subadulte peut devenir un "floater", soit rester sur le territoire de sa meute d'origine, aux extrémités ou sur les zones tampon, et attendre d'y trouver un partenaire de passage. Mais il peut aussi prendre la place d'un membre du couple reproducteur de sa propre meute ou de la meute voisine. Malgré qu'il y ait des exceptions à tout dans la nature, le loup n'y faisant pas exception, ce configuration arrive plus souvent avec des subadultes femelles, qui sont connues pour disperser moins loin et souvent fonder une meute à proximité de celle dont elles sont originaires. Nous rappelons toute l'importance de connaître la filiation génétique des membres des différentes meutes, ceci afin d'avoir une meilleure compréhension de l'utilisation des territoires et, notamment, de la cession d'une partie de celui-ci et de l'identification et gestion des zones tampon.

3. Le subadulte peut, dans certains cas telle une régulation intensive conduisant à une chute rapide des effectifs, devenir un reproducteur supplémentaire. Au lieu d'une seule portée provenant du couple reproducteur officiel, la meute utilisera une subadulte femelle pour donner vie à une portée supplémentaire. Ce phénomène a déjà été observé en Europe, même s'il est plus fréquent sur le continent nord-américain. Cette multi-reproduction a pour but, tout simplement, de combler une forte mortalité, dans les zones où le loup est intensivement chassé, persécuté et où les effectifs régionaux et nationaux, baissent de manière rapide. La nature reprend alors le dessus, à sa façon.

Il arrive, également, qu'une meute compte plusieurs mâles reproducteurs, dont certains peuvent circuler entre deux meutes génétiquement proches. Vous l'avez compris, la notion de meute est variable, selon divers facteurs telle la mortalité, les effectifs, l'environnement, le garde-manger, la situation, etc. Les changements, au sein de meutes, peuvent survenir rapidement, à toute saison et donner lieu à des remaniements internes, au sein du couple reproducteur ou encore l'adoption de loups génétiquement non reliés à la meute. Les capacités d'adaptation du loup (et de la nature en règle générale), sont assez impressionnants et montrent que la façon très anthropomorphique de le gérer, selon les nouvelles directives d'Albert Rösti, ne porteront aucunement leurs fruits puisque non basées sur la science et le fonctionnement du loup.

Nous espérons que, dorénavant, la connaissance des zones tampon mais aussi de la filiation génétique entre les diverses meutes, soient plus approfondies, surtout en Valais. 

 

Article : TML - Mission Loup
Photo : Fabien Bruggmann


 

 

 

 

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